Carlos Martens Bilongo, député de La France Insoumise  : «Nous pouvons faire plus et mieux entre nos deux pays»

Au cœur des débats en France, la question de la restitution des crânes des résistants algériens détenus dans des musées français a suscité des actions concrètes. Carlos Martens Bilongo, député du parti de gauche, La France Insoumise, s’est engagé avec détermination dans cette démarche. Dans cet entretien exclusif accordé à Horizons, Bilongo expose les fondements éthiques qui sous-tendent sa proposition de loi, soulignant ainsi l’importance primordiale de la dignité humaine, même après la mort.

Pouvez-vous expliquer les motivations derrière votre proposition de loi visant à la restitution par la France des crânes algériens ?

Je suis très attaché à la dignité des êtres humains, chaque être doit pouvoir bénéficier, après sa mort, d’une sépulture digne. En 2021, j’ai appris qu’il y avait des crânes de combattants algériens contre la colonisation française qui étaient stockés au Musée de l’Homme à Paris, malgré la restitution partielle faite par le président Emmanuel Macron. Une loi votée par les deux Chambres puis la publication d’un décret sont nécessaires pour procéder à une restitution définitive. Un budget doit être défini pour les recherches scientifiques afin de faire un travail d’identification.

Quelles sont les principales mesures que vous proposez dans cette loi pour garantir la restitution?

Une restitution définitive et complète des crânes des combattants et résistants algériens avec un travail d’identification au Musée de l’Homme afin de déterminer l’origine des restes humains.

Quels sont les défis auxquels vous vous attendez à faire face dans le processus législatif pour l’adoption de cette loi ?

Les défis sont le désir pour certains de vouloir garder les crânes algériens comme trophées de guerre. Cette volonté de ne jamais vouloir réparer ou évoquer notre histoire coloniale douloureuse est très ancrée dans la société française. Cela se transforme très vite en obstacle ou un défi majeur, car il faut convaincre les Français que cela nous permettra d’aller de l’avant, ainsi que pour les nouvelles générations ou les moins jeunes qui visitent des musées et qui ne souhaitent pas être dans des lieux culturels où il y a des trophées de guerre.

Comment envisagez-vous la coopération entre la France et l’Algérie dans le cadre de cette restitution ?

Il y a une cérémonie très solennelle lors de la restitution partielle en Algérie des crânes qui ont des sépultures définitives au Carré des martyrs du cimetière d’Alger. La France doit aller encore plus loin dans cette coopération, car il y a d’autres sujets à évoquer après cette restitution nécessaire qui n’a que trop duré. La France et l’Allemagne arrivent à mettre en place plusieurs dispositifs de collaborations bilatérales et je suis convaincu que nous pouvons faire plus et mieux entre nos deux pays.

Pourriez-vous nous parler de l’importance historique et culturelle de la restitution des crânes algériens pour les deux pays ?

Il y a une charge morale et un devoir de sortir meilleur de ces années sombres. Je pense qu’il y a une nouvelle génération de Français avec d’autres aspirations et qui a cette volonté de faire un chemin avec les pays africains avec qui nous avons déjà un passé commun. De nombreux Français veulent nouer des liens forts avec l’Algérie. Les Franco-Algériens forment la plus grande communauté en France.

En ce qui concerne la résolution réclamant une journée de commémoration pour le massacre du 17 Octobre 1961, quel message souhaitez-vous transmettre en tant que député ?

Que le pouvoir législatif ait déjà pris acte en votant pour cette journée de commémoration du 17 Octobre 1961.L’exécutif doit en prendre acte. Il faut que la France envoie des messages forts à l’Afrique au travers de cette reconnaissance pour les Algériens. Lorsque je parle d’Afrique, je peux également évoquer le massacre de Thiaroye au Sénégal. Avec mon groupe La France Insoumise, nous souhaitons que le 17 octobre 1961 soit déclaré comme crime d’Etat. Paul Vannier, député du Val d’Oise, a rappelé notre revendication à la tribune de l’Assemblée nationale.

Comment percevez-vous le rôle de la France dans la reconnaissance et la commémoration d’événements tragiques comme le massacre du 17 Octobre 1961 ?

Il y a d’autres sujets comme les essais nucléaires dans le sud de l’Algérie. La France doit faire sa part de chemin avec votre pays pour ressortir grandie.

Entretien réalisé par Assia B.

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