ARCHITECTURE : UNE PROFESSION EN QUÊTE DE VALORISATION

Entre esthétique et fonctionnalité

Les avis sur l’évolution du métier d’architecte dans notre pays sont mitigés. Personne ne conteste les potentialités, le talent et la volonté de nos architectes à se développer davantage. Néanmoins, les professionnels du domaine estiment qu’il sera essentiel d’investir davantage dans la recherche et dans le développement dans ce domaine, afin que ce métier retrouve son aura. Car, pour eux, l’architecture ce n’est pas juste une jolie façade et des matériaux innovants, mais c’est surtout un mode de vie.

Lors de la dernière session ordinaire de son conseil national, l’Ordre national des architectes a plaidé, notamment, pour la révision des normes de référence pour l’élaboration des cahiers des charges régissant les conditions de lancement des projets et pour la garantie des réalisations urbaines cohérentes et compatibles avec les spécificités de chaque région du pays. Il avait assuré, par ailleurs, que les architectes ont un rôle prépondérant à assumer dans le processus de développement national. Seulement, pour atteindre ces objectifs, d’après l’architecte libéral Ayoub Melizi, il faudra que le métier d’architecte regagne ses titres de noblesse.

Ayoub Melizi : Le métier d’architecte est en «perdition»

« Le métier d’architecte, dans sa fonctionnalité et dans son sens véritable, est en perdition. Nous ne décelons pas une réelle commande architecturale proprement dite de la part de maîtres d’ouvrage publics ou privés. Le métier d’architecte aujourd’hui est souvent réduit à une simple procédure administrative, alors qu’il est fortement valorisé dans les textes réglementaires », rapporte-t-il. Les concours d’architecture, remarque-t-il, se font de plus en plus rares. Pis encore, selon lui, des intervenants qui ne sont pas du métier sont parfois autorisés à exercer dans la maîtrise d’ouvrages.

« Même si nous avons l’impression que l’architecture en Algérie a évolué, ce n’est qu’une apparence. La réalité est tout autre. Les architectes professionnels, intègres et soucieux de l’avenir de cette profession, voient les choses autrement. L’architecture est au-delà de l’esthétique, c’est la vie que nous menons », soutient-il. Pour lui, il ne suffit pas de concevoir de belles façades et d’user de systèmes ou de matériaux innovants.

Répondre à des besoins socioéconomiques et culturels

« Dans certains cas, nous n’en avons même pas besoin. L’architecture doit répondre à un besoin socioéconomique et culturel, qui est lui-même en constante mutation et évolution. Elle doit passer par la planification et par les grands projets d’urbanisme pour se perfectionner », dit-il. Elle répond, poursuit-il, à des problématiques précises. « Il faut savoir se poser les bonnes questions : sommes-nous satisfaits de notre qualité de vie et de notre environnement ? De notre espace de travail, de notre habitat, de nos quartiers ? De nos villes ? De nos bâtis ?», s’interroge-t-il.

Depuis plus d’un siècle, l’architecture à l’échelle mondiale est prise dans un courant unificateur, conséquence de la grande mondialisation. « L’architecture de manière générale est victime de cette mondialisation, de la standardisation pour être plus précis. Même si l’industrialisation de l’architecture a permis d’accélérer de manière générale l’évolution et le développement économique à travers le monde, ce n’est pas sans conséquence sur la qualité de vie de l’individu », constate-t-il, signalant qu’il n’était pas mauvais parfois de ne pas être au diapason. Il sera judicieux, d’après lui, de planifier sa propre évolution.

Le recours à des solutions importées inadéquates

« Ce qui nous manque aujourd’hui, ce sont les réponses aux problèmes contextuels de l’architecture en Algérie. A mon sens, il n’existe pas assez d’investissements dans la recherche et dans le développement dans ce domaine. Nous avons souvent recours à des solutions importées qui ne sont pas efficaces ou adéquates à nos problématiques réelles, que ça soit sur le plan conceptuel ou technique », fait-il savoir.

L’architecture dans notre pays, en somme, assure-t-il, est un chantier ouvert où il y a beaucoup à faire, surtout que nos architectes se soucient plus de leur survie sur le marché et de leur pérennité que d’autre chose. En matière de formation, il recommande d’extirper l’enseignement académique de l’architecture du système LMD et de renforcer la collaboration entre les enseignants et les architectes praticiens, et ce, afin de permettre une interaction plus facile entre les étudiants et les professionnels.

Réduire le décalage entre le style urbain et l’identité du lieu

« Nous notons des efforts déployés dans ce sens au cours de ces dernières années que nous ne pouvons qu’encourager. En matière d’enseignement, il faudra consulter les enseignants et les chercheurs, car ils auront beaucoup à dire sur ce sujet », affirme-t-il. En Algérie, certifie-t-il, il y a du talent, de l’ambition et une grande volonté de bien faire les choses. « Le problème ne réside pas dans l’architecte, mais dans le métier de l’architecte, dans son environnement et dans ses conditions de travail. Il est plus difficile d’exercer ce métier au niveau local qu’à l’international », conclut-il. Du côté des constructeurs, ils pointent les architectes du doigt en signalant que les designs proposés sont plutôt carrés.

« D’une façon générale, nous remarquons, depuis quelques années, un décalage entre le style urbain et l’identité du lieu. Nous constatons très peu d’harmonie entre les formes et les couleurs et une prédominance du béton et du ciment. L’absence de planification a donné lieu à une architecture des plus carrées, qui ne reflète pas l’identité algérienne. En matière de logements surtout qui ont été construits dans la précipitation », estime le gérant d’une entreprise de construction et de bâtiment en saluant, toutefois, les initiatives sous forme de décrets et d’études entreprises en faveur de designs aux structures de l’identité algérienne.

Farida Belkhiri

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