Mahieddine Bachetarzi : Un Algérien en Amérique

 Le dernier livre d’Ahmida Layachi* est plutôt une longue conférence. Il compte une soixantaine de pages où il évoque un voyage de Mahieddine Bachetarzi, à l’automne de sa vie, aux Etats-Unis.

On connaît l’apport inestimable de cet homme, mort en 1986, au théâtre et à la musique et un peu moins au cinéma ou il apparaît dans de nombreux films, notamment «l’Opium et le Bâton». De nos jours, le théâtre national porte son nom. C’est le conseiller de l’ambassade US qui fréquentait l’institut de musique d’Alger qui l’invitera, à l’été 1973, à passer quelques jours à New York en compagnie d’un guide désireux d’améliorer son français.

Dans ses mémoires en trois tomes, Bachetarzi parle avec peu de détails  de ce séjour ni des modalités de son organisation. Il s’émerveille des lumières de Broadway, du niveau d’organisation de la société, de sa diversité comme si enfin devant ses yeux se révélait un modèle dont l’avènement, dans son pays, fut empêché par la colonisation qu’il avait combattu sur le front culturel.

Layachi va, toutefois, au-delà des péripéties de ce voyage. Il parle de la place de l’Amérique dans l’imaginaire algérien. Ce n’était pas seulement le pays des cowboy, des acteurs et danseurs. Dans un contexte où le pays affichait ses options socialistes, c’était avant tout le symbole de l’impérialisme qui a renversé Allende, jeté des bombes atomiques sur le Japon, mené des guerres au Vietnam et «pompait» les richesses du Tiers Monde.

Etrangement, l’auteur omet que s’agissant de l’Algérie qui a rompu ses relations diplomatiques après la guerre des Six jours en 1967 avec le pays de l’oncle Sam. Ce dernier était un des ses plus importants partenaires dans le commerce des hydrocarbures.

Kateb Yacine qui n’aimait pas Bachetarzi, qui incarnait «le bourgeois», fera aussi ce voyage en Amérique, mais lui s’intéresse davantage aux côtés sombres d’une civilisation que les auteurs  américains comme John Dos Passos sont les premiers à dénoncer

Layachi s’intéresse davantage à ce que révèle en creux ce séjour de Bachetarzi qui, après l’Indépendance, se verra reprocher une sorte de tiédeur durant la révolution. Laâdi Flici, dans une longue interview au Moudjahid, dans le milieu des années 1980, avait lancé des accusations directes et violentes contre une figure qui incarnait une sorte de libéral honteux, «comme Ferhat Abbas ou Abderrahmane Fares», écrit Layachi.

Se référant à l’ouvrage posthume d’Edward Saïd,«Le style tardif», il s’interroge sur cette sorte d’ultime résistance qu’opposa Bachetarzi aux forces qui l’ont poussé vers la marge et les mystères de la création.

Ce sont peut-être les meilleures pages de ce  court texte où citant Rimbaud, Beethoven, Zoheir Ben Abi Selma, Echabi ou Beckett, Layachi rappelle que le démon de l’inspiration et de l’intranquillité ne ménage pas de moments de répit, même au seuil de la mort, mais appelle à des relectures.

R. Hammoudi

 

 

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