Bachir Hakem, pédagogue «Revenir à une école publique de qualité»

Comment se préparer à retourner à l’école ? Quelles en sont les priorités pédagogiques ? Comment conforter les apprentissages de l’année précédente pour chacun des niveaux d’enseignement ? Ces questions et d’autres ont été posées à Bachir Hakem, pédagogue et ancien professeur de mathématiques.
Il estime que la préparation de la rentrée scolaire est aussi importante pour l’Etat que pour les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes. «Nous devons avant le jour J utiliser les moyens technologiques et voir tous les parents se préparer pour la scolarité de leurs enfants dans une ambiance de fête. Les parents doivent inscrire leurs enfants dans l’établissement le plus proche du domicile familial. La liste complète des instruments de travail de l’élève ainsi que les livres scolaires doivent être disponibles au moins un mois avant la rentrée pour éviter toutes les insuffisances ou encombrement dans les librairies et remise aux élèves avec le bulletin du troisième trimestre», dit-il. Selon lui, les listes peuvent être publiées sur le site web de chaque académie. «L’Etat doit se préoccuper de doter tous les établissements de moyens logistiques pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions. Toujours et grâce à la numérisation, on doit connaître le nombre exact d’élèves par établissement et par classe, de classes par établissement, d’élèves par classe, d’enseignants par établissement, les congés de maternité et les futurs remplacements, la vacance de postes et le manque d’enseignants dans les établissements. La numérisation évite l’improvisation. L’Etat doit assurer le transport scolaire. Le bus, le tramway et le métro doivent être gratuits pour les élèves», dit-il. Notre interlocuteur estime impératif de revenir à l’école publique de qualité et lui redonner sa place d’antan, car «c’est l’unique véritable reflet de la société». Et d’ajouter que l’Etat doit aussi donner tous les moyens à l’école publique pour rivaliser avec l’école privée, surtout en ce qui concerne le nombre d’élèves par classe. Est-il préférable de réaliser quelques révisions avant même le début de l’année, notamment pour les élèves éprouvant des difficultés dans certaines matières, notamment après deux mois de vacances ? Le pédagogue explique qu’avec les cours particuliers, l’élève n’a plus le temps de suivre des cours qu’on appelait auparavant les cours du soir pour combler les insuffisances. «Il faut réinstaurer les cours du soir qui doivent être assurés par les enseignants et figurer sur l’emploi du temps et rémunérés comme heures supplémentaires. On peut conforter les apprentissages de l’année précédente pour des élèves dont le niveau est acceptable par des heures supplémentaires ou une période de révision avant chaque entame d’un nouveau chapitre», propose-t-il.
Combler les insuffisances
Bachir Hakem affirme que chaque année, l’enseignant est confronté au problème des connaissances insuffisantes ou mal assimilées par certains élèves et qui sont des prérequis indispensables. Selon lui, cela oblige certains enseignants consciencieux à faire une halte pour refaire certains cours des années précédentes. Toutefois, il fait remarquer que cela dérange l’avancée des programmes pour certains élèves dont le niveau est au-dessus de la moyenne. «Des élèves doués et d’autres lents dans l’assimilation des connaissances se retrouvent ensemble dans une même classe, ce qui met l’enseignant dans l’embarras quant à la méthode employée pour satisfaire tout le monde.
C’est pourquoi nous devons créer des classes spéciales pour les plus doués avec des programmes leur permettant d’avancer normalement dans leur cursus qui devrait s’opérer en 5 années pour le primaire et de 6 ans pour les moins doués», préconise-t-il.
Pour lui, il vaut mieux perdre une année et acquérir le niveau requis que de n’avoir aucun niveau et être admis. «Dès le primaire, pour éviter toute déperdition scolaire, nous devons connaître les élèves aptes à faire des études universitaires et ceux disposés à une formation professionnelle, et c’est là que commence la première orientation entre ceux qui entreront dans un collège d’enseignement général et ceux qui iront dans un centre de formation professionnelle. Dans chaque wilaya, nous pouvons créer deux ou trois collèges professionnels pour éviter la déperdition scolaire dès le primaire ainsi que deux ou trois lycées professionnels pour les collégiens qui ne peuvent pas poursuivre leurs études dans des lycées d’enseignement général ou technique.
Et c’est à partir de là qu’un baccalauréat professionnel pourra être créé», suggère-t-il encore. Pour élever le niveau, le pédagogue a estimé important d’abord de commencer par dresser le bilan des résultats de la réforme de l’éducation, du taux de réussite des élèves pendant ces 20 dernières années, et ce, depuis son application. «Nous devons revoir le recrutement des enseignants, leur formation et revenir aux écoles de formation spéciale des instituteurs, des enseignants de l’enseignement du cycle moyen général et professionnel ainsi qu’aux écoles de formation spéciale pour les enseignants du secondaire général, technique et professionnel», recommande-t-il.
Selon lui, la réussite d’une réforme ne se mesure pas au seul taux de réussite élevé, mais en fonction de la concrétisation d’une société civilisée, éduquée, respectueuse, non violente et prête à relever tous les défis. «Nous ne pouvons acquérir cela qu’en plaçant les compétents à leur place et en s’attelant à une refondation complète de l’enseignement aussi bien primaire, collégial, secondaire qu’universitaire. Nous devons commencer par créer un seul ministère qui regroupera l’enseignement primaire, moyen, secondaire, universitaire et la formation professionnelle. Nous devons créer au primaire deux sections, une pour les élèves qui suivront un cursus de 5 années et une autre d’un cursus de 6 années», a-t-il encore plaidé.
Pour le moyen, il a mis l’accent sur la nécessité d’instaurer l’enseignement général et l’enseignement professionnel. «Nous devons aujourd’hui multiplier le nombre de grandes écoles qui accueilleront aussi bien les élèves très doués que les bacheliers d’excellence.
La réforme du baccalauréat et du BEM est impérative, mais qui tarde à venir. Il faut chercher les voies et moyens permettant d’adapter notre système éducatif aux nouvelles méthodes d’enseignement et dont l’enfant d’aujourd’hui doit suivre pour rivaliser avec tous les enfants du monde sans perdre son identité et ses valeurs», a-t-il conclu.
Amokrane H.