Mustapha Mazouz, architecte expert en urbanisme : «La formule a grandement contribué à résorber la crise du logement»

Mustapha Mazouz est expert international en patrimoine et membre de l’Ordre mondial des experts internationaux. Il estime dans cet entretien que les différents programmes AADL lancés par les pouvoirs publics interviennent dans un contexte de requalification de l’habité et une reprise en main de l’aménagement du territoire par le biais du schéma national de l’aménagement du territoire.
Entretien réalisé par Lyes Mechti
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a annoncé il y a quelques jours le lancement en 2024 du 3e programme de réalisation de logements dans le cadre de la formule AADL. D’abord quel commentaire faites-vous sur cette formule et sa contribution dans l’effort des pouvoirs publics à résorber la crise du logement en Algérie ?
A l’orée de l’an 2000, l’Algérie faisait face à une des plus graves crises qui mettait en péril son équilibre social. Une recrudescence de l’habitat précaire et illicite communément appelés bidonvilles, comme son nom l’indique des quartiers et des villes précaires insalubres métastases de fléaux au sein même de la capitale et des grandes agglomérations algériennes.
La crise du logement pudiquement appelée ainsi fût prise a bras le corps par les pouvoirs publics pour assurer la dignité du citoyen algérien en premier lieu et lui assurer l’accession à un toit décent tel que stipulé par la charte des droits de l’homme.
Le logement locatif fût un bon palliatif au logement dit social auquel ne pouvait accéder ou y bénéficier une bonne partie de la classe moyenne et des cadres algériens au vu des conditions auxquelles ils devaient y souscrire notamment en ce qui concerne les paliers et niveaux de revenus. Oui cette formule a contribué grandement dans l’effort des pouvoirs publics à résorber la crise du logement et à désamorcer une crise sociale et urbanistique imminente.
Tout comme les programmes AADL 1 et 2, le programme AADL 3 intervient dans un contexte de requalification de l’habité et une reprise en main de l’aménagement du territoire par le biais du schéma national de l’aménagement du territoire et son subsidiaire le schéma de wilaya d’aménagement et le schéma de développement communal. Tout cela intervient pour répondre aux nouveaux besoins exprimés par la deuxième génération des bénéficiaires de l’AADL 1.
Quel est le constat à faire sur les différents programmes AADL au plan technique urbanistique et architectural ?
Force est de constater que les différents programmes AADL ont été réalisés de prime abord dans l’urgence. Des centaines de milliers de logements ont été ainsi réalisées dans des délais très courts, avec un standing différent de celui des programmes de logements sociaux.
La demi industrialisation s’est imposée d’elle même pour répondre aux besoins, de même que l’appel au savoir faire développé dans des pays comme la Chine, ou la Turquie pour ne citer que ces pays.
Tout cela dans un environnement de manque de foncier urbanisable.
De grands ensembles péri urbains ont émergés. Des populations ont été délocalisées vers un nouvel environnement et des greffes pas toujours acceptés économiquement et socialement.
Cette recrudescence de l’archétype AADL ne tenant pas compte de l’environnement social architectural des spécificités patrimoniales locales a grandement contribué à donner cette image deshumanisante des programmes ayant le même faciès du nord au sud et de l’est à l’ouest.
Les programmes AADL sont désormais réalisés avec des matériaux de construction de fabrication locale. Quels en sont les avantages à relever ?
Dans un autre registre, nous pouvons relever l’acquisition par les entrepreneurs algériens dans le domaine de la construction un savoir faire conséquent dans la mise en œuvre, la gestion et la livraison des grands ensembles résidentiels intégrés permettant a l’orée du programme AADL 3 de se passer des opérateurs étrangers.
De même le développement de l’outil de production algérien tant en quantité qu’en qualité de production a permis de couvrir les besoins nationaux et acquérir des parts de marché a l’international.
Comment peut-on concilier la nécessité de répondre à la demande croissante en logement avec l’impératif de réaliser des logements de qualité ?
Concilier la nécessité de répondre à la demande croissante en logements avec l’impératif de réaliser des logements de qualité est tout a fait possible dans une vision intégrée stratégique, s’appuyant sur le Schéma National d’Aménagement du Territoire (SNAT) 2030 et ses schémas subsidiaires, une vision prospective, alliée à la résilience et la bonne gestion de la mobilité dans son ensemble. La qualité est dépendante du bien être social et économique. Elle est dépendante du pouvoir public au travers des collectivités locales que de la société civile organisée. Les besoins ne doivent pas être subis mais prévus. Et c’est en ce sens que je salut l’effort considérable consenti et orienté vers le logement rural comme un vecteur de stabilisation et de promotion des axes stratégiques de l’Etat dans l’agriculture, l’industrie et les énergies renouvelables.
L.M
Commentaire : L’inoxydable option
Par Amirouche Lebbal Le président de la République l’a annoncé le 29 octobre dernier lors de sa visite dans la wilaya de Djelfa : «Les souscriptions au nouveau programme de logements dans le cadre de la formule location-vente seront lancées en 2024.» Désormais, le programme de l’AADL 3 prendra corps dès l’année prochaine. La décision du président Tebboune a, comme il fallait s’y attendre, eu un écho positif dans la société à travers l’ensemble du territoire national, d’autant plus que les deux précédents programmes AADL, dont le premier a été lancé en 2001, ont suscité un formidable engouement. Un intérêt qui s’explique par plusieurs éléments, notamment ceux liés aux conditions d’éligibilité et les avantages mis en place par l’Etat qui sont justement au bénéfice de la classe moyenne, soit l’une des plus larges bases, si ce n’est la plus importante dans la société. Le relancement de cette formule est donc stratégique pour les hautes autorités du pays qui placent le principe de l’accès au logement comme une priorité absolue. Un principe consacré par la loi fondamentale du pays et qui reprend aussi la quintessence du 28e engagement du programme du président de la République sur la base duquel il a été élu en décembre 2019. Un engagement réitéré, à juste titre, lors du Conseil des ministres. L’opportunité stratégique que revêt le nouveau programme AADL transcende dans sa perspective largement les chiffres et le seul objectif visant à réduire le taux national d’occupation par logement qui se situera d’ici à 2024 autour de 4,18, selon les projections en date du quatrième trimestre de l’année précédente, soit l’un des plus performants à l’échelle mondiale. La politique du logement en Algérie est par essence un ressort d’épanouissement sous-tendant, non seulement la garantie d’offrir aux générations montantes un cadre de vie décent à même de réunir les conditions de leur réussite, mais surtout préserver la dignité de chaque famille et citoyen algériens. Les convictions du chef de l’État en ce cas de figure ne souffrent aucune ambiguïté. Ses orientations au gouvernement, chapeauté par Nadir Larbaoui, au cours du Conseil des ministres du 14 novembre dernier, sont on ne peut mieux claires. «Maintenir le soutien aux classes vulnérables et moyennes au centre des préoccupations du gouvernement à travers la préservation du pouvoir d’achat et en plaçant les programmes de logement, toutes formules confondues, parmi les priorités afin de préserver la dignité des citoyens et de faciliter leur vie», lit-on, à ce propos, dans le communiqué sanctionnant le Conseil des ministres en question. Cette vision à court, moyen et long terme, que fait sien le président Tebboune et qui préfigure désormais l’édifice solide de la nouvelle Algérie, dénote de l’irréversibilité du caractère social de l’Etat qui mobilise invariablement un transfert financier conséquent et à la hauteur des défis qu’exige la politique de l’habitat et partant du logement mise en place afin de donner corps aux projections contenues dans le 28e engagement présidentiel, à savoir «résoudre définitivement le problème du logement et garantir l’accès au logement décent selon des formules adaptées». Force est de constater que depuis 2020 et en dépit de la situation vulnérable, héritée de l’ancien système, le secteur du bâtiment a connu une relance soutenue, tractée par la commande publique. Continuer sur cette lancée suppose nécessairement la reconduction de la formule, désormais inoxydable, de la location-vente, et ce, pour des raisons tant stratégiques que techniques. En annonçant cette bonne nouvelle, le président Tebboune a misé sur une option porteuse et à succès. Et toutes les conditions de sa concrétisation sont réunies. D’abord l’expérience acquise, l’intégration des TIC et de la numérisation dans la gestion des dossiers des souscriptions et des procédures administratives, garantissant de facto une transparence totale. En annonçant également cette bonne nouvelle, le chef de l’Etat sait pertinemment que l’outil national de réalisation des programmes de logements et de fabrication des matériaux, même ceux des finitions, sont en mesure du défi lancé. Outre ces points forts, la création de la Banque nationale de l’habitat est l’un des vecteurs désormais porteurs de la politique nationale du logement qui offre au secteur «une aisance en matière de financement des programme de logements, sous toutes les formules, sociales et autres, en plus de favoriser la bonne marche et le lancement des projets» pour reprendre les propos du ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville. En résumé, le 28e engagement du Président est à portée de l’Algérie et au bénéfice exclusif de son peuple.
A. L.