Dr Rachid Chahed, spécialiste en pneumologie : «La BPCO est sous-diagnostiquée dans notre pays»

Entretien réalisé par Samira Belabed
Dans cet entretien, le Dr Rachid Chahed, pneumologue libéral à Tizi-Ouzou, revient sur la BPCO qu’il qualifie de maladie sournoise et ses complications. Il recommande aussi des traitements pour s’en prémunir.
Quelle est la situation de la BPCO en Algérie ?
Permettez-moi d’abord de donner une définition simple, la plus récente de la BPCO. La maladie pulmonaire obstructive chronique BPCO est une affection pulmonaire hétérogène caractérisée par des symptômes respiratoires chroniques, à savoir dyspnée, toux, production d’expectorations et exacerbations incurables dus à des anomalies des voies respiratoires – bronchite, bronchiolite ou alvéoles qui provoquent des troubles persistants voire souvent une
obstruction progressive de l’air.
Une exposition à un ou des gaz nocifs comme le tabagisme ou la biomasse sont les principaux facteurs de risque. Dans le monde, 50 millions de personnes continuent de se chauffer et de cuisiner avec le charbon.
En Algérie, la maladie est toujours sous-diagnostiquée et évolue à bas bruit sur plusieurs années. C’est une maladie sournoise, silencieuse, appelée l’inconnue meurtrière et la majorité de nos patients arrivent à un stade tardif.
L’exacerbation de BPCO est de complication grave. Comment se manifeste-t-elle ?
L’exacerbation est un événement aigu caractérisé par une aggravation des symptômes respiratoires, notamment la toux, l’expectoration et la dyspnée. Elle peut être légère, modérée et sévère mais nécessite une hospitalisation car elle met en danger le pronostic vital de ces patients. Au-delà des variations quotidiennes, elle conduit à une modification thérapeutique, par une simple augmentation des bronchodilatateurs. Dans ce cas, une durée supérieure de 24 heures est requise pour parler d’exacerbation. Nous proposons aussi un traitement supplémentaire antibiothérapie ou corticothérapie orale qui a une place importante dans le traitement des cas sévères pour une durée de cinq jours comme des études l’ont prouvé. Devant un patient non connu comme atteint de BPCO, mais présentant un tableau d’infection respiratoire basse ou tout épisode aigu de symptômes, il faut penser à une exacerbation aiguë de la BPCO devant l’existence d’un ou plusieurs éléments.
Quels sont les facteurs de risque ?
Le coupable est identifié, c’est surtout le tabac. Devant un âge supérieur à 40 ans, un tabagisme supérieur à 10 paquets par année, tabagisme actif ou exposition professionnelle à des empoussiérages, une dyspnée, une toux. Il est temps d’arrêter le tabac avant que les symptômes ne surviennent chez le patient atteint de la BPCO. La présence de comorbidités connues comme fréquemment associées à la BPCO coronaropathie, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, anxiété, dépression, ostéoporose, diabète, dénutrition et cancer bronchopulmonaire.
Quel est l’impact des exacerbations sur le malade ?
Le taux de mortalité à court et long terme est très élevé. Environ 50% des décès sont survenus après 5 ans d’une exacerbation sévère et nous aurons un déclin plus rapide de la fonction respiratoire et par conséquent la qualité de vie est détériorée. Le malade a un risque accru d’événements cardiovasculaires dans les semaines suivantes (syndrome coronarien, AVC). Il y a risque accru de dépression, d’où l’importance de traiter rapidement ces exacerbations dont l’impact est majeur. L’identification et le traitement doivent être précoces. La prévention commence par l’arrêt du tabac qui est un élément capital pour éviter l’exacerbation. Il est tout aussi important de mettre en place un plan personnalisé pour accompagner le malade.
Pour éviter la détérioration et la complication de la BPCO, le médecin traitant doit régulièrement demander une radiographie thoracique, l’électrocardiogramme et un bilan biologique. L’examen le plus important à demander est la gazométrie artérielle. L’activité physique est aussi recommandée pour réduire le risque d’exacerbation. Généralistes, infectiologues, pneumologues et cardiologues doivent insister sur l’activité physique régulière de 30 à 45 minutes puisque l’Algérie ne dispose pas de centres de réhabilitation équipés, comme c’est le cas dans plusieurs pays. Le manque d’activité entraîne une fonte musculaire, une inadaptation à l’effort et une aggravation de la dyspnée qui met le patient de la BPCO dans un cercle vicieux et qui peut dériver vers l’exacerbation. La réhabilitation doit être faite immédiatement pour éviter les complications. La vaccination contre la grippe, le pneumocoque, et même récemment contre la coqueluche permet de se protéger d’un risque d’aggravation de la BPCO ou de décompensation par ces deux infections notamment chez les patients à risque.
S.B.