Constantine : Les reines meurent précocement

«Un bien pour un mal.» C’est ce que, vaille que vaille, avanceront ceux qui tentent de s’acheter une conscience pour justifier un acte destiné à protéger leur production tout en entravant ou mettant en péril une autre.

Dans le domaine agricole, c’est ce qui se passe dans la wilaya de Constantine, particulièrement au niveau des espaces dédiés à l’apiculture. Les propriétaires de ruches et éleveurs d’abeilles n’arrivent pas à situer la nature et surtout la notion de «bien» évoqué par les autres agriculteurs, notamment les céréaliers et la quantité de «poison» déversée pour protéger une production elle-même attaquée et sur laquelle insecticides, pesticides et fongicides ne semblent pas avoir grand effet.
Louardi F., apiculteur de père en fils, dit éprouver beaucoup de difficultés à vouloir préserver le métier et la tradition familiale. «L’avantage est d’être sur notre terre car il est évident que louer ne permet pas de s’en sortir mais il vaut mieux être salarié chez un apiculteur que travailler pour son propre compte.» Notre interlocuteur estime : «Il est incontestable que la nocivité, voire la dangerosité, des produits de lutte contre les maladies des autres productions agricoles est pour beaucoup dans la production apicole et forcément sur un chiffre d’affaires habituellement confortable malgré la féroce concurrence d’importateurs de miel.»
Comble du paradoxe, ce dernier est de mauvaise qualité parce qu’en général contrefait ou fabriqué intensivement de façon industrielle.
S’autorisant à parler au nom des apiculteurs de Hamma-Bouziane, naguère réputée Mitidja de l’Est du pays, Louardi F. confie, avec une émotion ressentie même au téléphone, la quasi-adversité dans laquelle il exerce. «Désormais les abeilles, plus particulièrement les reines, sont étrangement plus vulnérables et meurent précocement. Assurer leur survie relève carrément de l’exploit sinon cela ne sert à rien de vouloir faire, ou sinon seulement le croire possible, du miel de bonne qualité», fait il savoir. «Du coup, nous nous éloignons de plus en plus pour nous installer à flanc de montagne où dans les profondeurs de la forêt pour installer les ruches et obtenir un produit non pollué et qui au moins nous permettrait de gagner sans avoir à rougir du coût désormais élevé, voire très élevé, de sa commercialisation», renchérit-il. Il fait remarquer que la clientèle est pratiquement la même depuis une décennie. Il s’agit des travailleuses à domicile spécialisées en pâtisseries traditionnelles et autres confiseries (baqlawa, ktaïef, qalbelouz, bourek sucré…). D’autres producteurs se considérant plus vernis ont mis en place un réseau local spécifique.
L’une des conséquences est la cherté des prix qui flirtent allègrement avec les 5.000 dinars le kilogramme mais la qualité est garantie.
 Abdelhamid Lemili