Larbi Chaâbouni : Une écriture chevillée au pays

Le 4 juin prochain, il aurait bouclé ses 71 ans. Seulement. Larbi Chaâbouni n’est plus depuis ce mercredi soir 4 mai. Soit un mois avant le jour de sa naissance en cette année-là de 1951 à Souk Ahras. Cette belle région pittoresque dont il a toujours gardé l’accent, en roulant les R, fortement. Mais aussi l’humilité d’une vie simple, d’une pudeur désarmante, d’une générosité exemplaire. Une fierté aussi d’y avoir vu le jour, d’y avoir grandi.

Non, ce ne sont pas des mots comme on se plaît à en affubler nos disparus. Ce sont les faits véridiques d’un homme et d’un journaliste, vrai, authentique. Toujours à l’écoute des autres. Jaloux de sa profession, de son pays. Une plume qui a servi depuis 1980 tout à ses débuts à Révolution Africaine, l’excellentissime hebdomadaire qui a enfanté de très belles plumes dont celle de notre ami et collègue Larbi. Lui qui a tant donné au journalisme. Dans une écriture qui sait défendre le métier d’écrire, respectueux de l’éthique et de la déontologie. Prenant garde à ne jamais outrepasser sa liberté d’écrire, en en jouissant plutôt dans les règles de l’art. Jusqu’à il y a quelques mois, autour de la pagination de son journal Horizons depuis 1990, pour lequel il avait prévu tout un programme. La maladie ne lui en a pas laissé le loisir. Hormis celui de la vaincre en écrivant. Sa soupape, son oxygène, sa raison de vivre. Ses commentaires couraient les colonnes de notre quotidien. Sur les questions nationales, internationales, son verbe était imparable. Il ne pouvait ne pas intervenir sur les événements de l’actualité que vit le pays, le monde dans tous ses
bouleversements.

Avant-gardiste et progressiste
Larbi, on en parle au présent, car ce journaliste chevronné ne saurait appartenir au passé. Avant-gardiste, progressiste, du côté des causes justes, des humbles et de la société dans toute son entité. Au sein de la rédaction, il est d’un appui indéniable : une relecture d’un papier par-ci, un conseil par-là, ici un regard sur un article en construction, là un regret que l’information de proximité déserte les journaux… les droits des travailleurs, ceux des journalsites, il en connaît plus qu’un bout, les lois et les articles ça le connaît et il en épluche constamment. Même lorsqu’il écrit, penché sur son clavier dont on entend de partout le cliquetis, ou bien avant sur son papier beefsteak, Larbi dessine des signes en l’air, se parle à lui-même pour être sûr de ce qu’il va porter sur l’écran ou le papier avant de mettre ses lettres, ses phrases les unes aux autres pour donner des commentaires et des éditos en deux temps trois mouvements. Une écriture responsable, propre, chevillée au pays. Larbi a une voix qui porte mais jamais on ne l’entend en colère, se lamenter, crier ou tonner. Il préférait confier tout cela à la cigarette, en s’isolant pour ne pas incommoder les autres et se retrouver avec lui-même. Larbi force le respect, vivant ou disparu. Mais de notre regard seulement. Il en a vu des événements passer : la révolution agraire, les relents du socialisme en déperdition, le libéralisme, ou ce qui s’y apparente, les événements du 5 octobre, l’ouverture démocratique, la guerre du Golfe avec un travail acharné de la rédaction 24h/24, l’avènement du terrorisme, où comme ses confrères, il se cachait pour pouvoir écrire, dénoncer en n’abdiquant jamais. Baraki s’en souviendra longtemps. Cette contrée située à mi-chemin de la Mitidja tombée entre les griffes des groupes armés… tous les matins sur le chemin du journal, il ne savait s’il y en aura d’autres…. Larbi a connu des générations entières de journalistes. Avec lesquels il débattait, écoutait et orientait dans le respect de l’autre. Foncièrement honnête, il a toujours refusé de céder au chantage des propositions miroitées par des détenteurs d’un peu de ce pouvoir que les mandats leur conféraient. Pour demeurer fidèle à ce que le journalisme, le vrai, lui a inculqué. Avec une maigre retraite, indigne d’un journaliste de sa trempe mais qui a échu à tous les anciens, il avait de la peine à proposer de prétendre à une pige pour servir la presse et l’Algérie encore tout en améliorant ses revenus. Il en a fait bénéficier Horizons depuis 2012, année de son départ pour la retraite, comment oser faire partir un journaliste à la retraite, le journaliste tout comme l’artiste ne saurait partir à la retraite ! Sur son lit de malade, chez lui, il ne pensait qu’à cela : écrire, écrire et encore écrire. Il ne pouvait vivre, survivre sans. Jusqu’à son dernier souffle, il avait l’esprit au journal, être à l’heure pour la remise de son article, évoquant Hocine le rédacteur en chef, Horizons, et le journal… sans discontinuer. Larbi, qui a su dignement combattre la maladie, a fini par lui concéder la lutte. Harassé par le lit, les analyses, les médecins, les examens, les traitements… il a demandé à partir dignement. «Il est parti paisible. En paix», témoignent Abla, son épouse, ses filles et sa nièce. Alors que la paix soit sur Larbi, son compagnon désormais aux côtés de l’Eternel. C’est au présent que tu es avec nous. Le passé n’étant pas de ta conjugaison, ni de ton rang.
 Saliha Aouès 

Nous vous présentons ici l’un des derniers commentaires de notre regretté collègue Larbi Chaâbouni.

Commentaire : Le temps du dialogue

Par Larbi Chaâbouni

Au cœur des mutations internationales, l’Algérie s’active à apporter une contribution efficiente au règlement pacifique et négocié des conflits porteurs de risques de déflagration régionale et mondiale. Du Sahel, enlisé dans les méandres de l’opération militaire française en déroute, à la guerre en Ukraine, pliant sous la menace d’une confrontation nucléaire, le monde en crise multidimensionnelle se trouve au bord du précipice. Dans un contexte aussi explosif, le retour en force de l’Algérie est apprécié à l’aune d’une expérience, forte des acquis remportés dans la lutte contre le terrorisme et la mise en œuvre du processus de réconciliation et de paix dans la région, et d’une médiation internationale qui a fait ses preuves au Liban (accords de Taef), en Iran (libération des otages américains) et dans la Corne de l’Afrique (accord de paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée). Cette tradition s’inscrit dans la promotion des valeurs de dialogue, le respect de la souveraineté et de l’intégrité des Etats et la solution politique aux conflits. A la tête du groupe de contact de la Ligue arabe, l’Algérie s’emploie à faciliter la concertation entre les deux belligérants et à préparer les conditions d’une négociation fructueuse. Au centre des préoccupations régionales et mondiales, l’Algérie conquérante est devenue la principale destination choisie par ses principaux partenaires en quête de stabilité et d’un approvisionnement régulier du marché gazier fortement menacé par les conséquences de la crise en Ukraine. Deux jours après la visite du président du Conseil des ministres italien, Mario Draghi, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu, à Alger, pour exprimer «toute l’importance qu’accorde Paris à la relance des relations bilatérales», jugées «essentielles», à l’issue de l’audience accordée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Le temps du dialogue sincère et sérieux a sonné pour lever toutes les équivoques et inscrire, comme l’a souligné le ministre des Affaires étrangères français, Le Drian, dans la «durée», incompatible avec les errements, toutes les formes de dénégations, le révisionnisme et la vision à courte vue. L’échec écrasant des tenants de l’islamophobie, du racisme et des nostalgiques de l’Eden perdu marque une campagne vouée à la haine contre l’Algérie, dessine les contours de la reprise du dialogue totalement tributaire de la dimension humaine d’un partenariat qui ne saurait être réduit au statut de marché de consommation et d’un approvisionnement en gaz. L’avenir se conjugue fondamentalement dans la définition d’une sécurité collective garantissant la stabilité et la sécurité «indispensables en Méditerranée et en Afrique», dira le chef de la diplomatie française. C’est là la quintessence de la diplomatie algérienne acquise à la paix et à la prospérité partagée.
L. C.