Les Négociations d’Evian : La preuve de l’efficacité du GPRA
Les négociations d’Evian, considérées comme un événement majeur dans la Révolution algérienne, découlent d’un long processus politique du mouvement de résistance national qui a montré sa détermination et sa maturité sur le double plan interne et externe.
Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) a, dès lors, su faire taire la partie française, laquelle arguait alors qu’il n’y avait aucune partie avec qui négocier.
Proclamé le 19 septembre 1958, le GPRA a aussitôt réussi à mobiliser la communauté internationale et a pu, au cours des nombreuses rencontres officielles et secrètes, imposer l’ouverture des négociations sur la base de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible.
L’ancien diplomate et moudjahid Salah Benkobbi, qui a prononcé, le 5 juillet 1962, à Lausanne (Suisse), la proclamation de l’indépendance revient dans ce témoignage sur ces négociations éprouvantes.
Pour lui, «la meilleure preuve de l’efficacité du GPRA est que nous sommes indépendants et présents sur la scène internationale, comme pays souverain». Et comme dans toutes les négociations, affirme-t-il, «il y avait des hauts et des bas et des temps de rupture, sachant que nous n’avons jamais su faire ressortir la situation particulière de la colonisation de l’Algérie qui ne ressemble à aucune autre à travers le monde, y compris celle des pays qui étaient sous le joug du même colonisateur.
L’exemple des voisins immédiats, qui n’ont pas connu les aléas des 132 ans de présence française en Algérie, est édifiant». Selon l’ancien enseignant de l’ENA, «la France ne voulait pas reconnaître le GPRA comme porte-parole du peuple algérien et voulait faire croire que l’Algérie, c’est la France». Et si elle a accepté, dit-il, de «s’asseoir à la table des négociations avec le FLN, c’est pour faire croire à l’opinion publique qu’elle respecte les principes démocratiques qui font qu’elle a eu des rencontres avec aussi bien avec Ferhat Abbas qu’avec les représentants des oulémas et d’autres organisations». «Ce ne sont donc que des étapes d’une même mouvance appartenant à une même réalité, à savoir un territoire sous domination française dont le sort doit nécessairement passer par une décision de la France», explique le moudjahid qui rappelle, dans ce sillage, que «c’est Abane Ramdane qui avait pris l’initiative de contacter Mohammed Benyahia qui était, à l’époque, le président de l’Union générale des étudiants musulmans algériens, dont j’étais membre. Il nous a demandé de rentrer en contact avec le gouvernement français pour connaître ses futures intentions».
Et d’ajouter : «J’ai eu la chance d’avoir été partie prenante de ce groupe qui a pris contact, ici, à Alger, avec le chef du gouvernement français, Guy Mollet, qui venait d’arriver à Alger pour tenter de trouver une issue au problème algérien». Il s’agit, assure Benkobbi, «du premier contact entre les dirigeants de la Révolution et les responsables français (1956), alors que Mollet est venu dans l’intention d’installer un nouveau système en Algérie qui était, jusque-là, gérée par le gouverneur-général, considéré comme le représentant unique de la France».
Intransigeance de la délégation algérienne
Le gouvernement Mollet voulait, souligne-t-il, «aborder le problème algérien sous des aspects différents, en y installant le général Catroux comme ministre-résident. Ce qui suppose qu’il n’était pas sur un territoire étranger qui pouvait aspirer légitimement à l’indépendance». Une preuve de plus, selon lui, que «l’indépendance n’a été possible que grâce aux énormes sacrifices consentis jusqu’au sacrifice suprême pour que vive l’Algérie libre et indépendante». Fouad Soufi, historien spécialiste du Mouvement national, abonde dans le même sens. Pour lui, «la France ne reconnaît pas le GPRA, car pour elle, il ne peut pas y avoir deux gouvernements dans un même Etat dans la mesure où l’Algérie était la France. C’est pourquoi, il fallait faire semblant de discuter avec le FLN qu’ils ont fini par reconnaître, comme c’est le cas aussi pour l’ALN ». Et de préciser que «la délégation algérienne n’était pas composée uniquement des personnes connues et dont on parle souvent. Mais il y avait une vingtaine ou plus d’experts qui sont restés dans l’anonymat en dépit de leur rôle prépondérant». Il est utile aussi de revenir, estime Soufi, sur «le désaccord qui a surgi lors de ces négociations entre les représentants de l’état-major général et le GPRA. Cet incident entre dans le cadre d’un débat interne entre les tendances politiques qui composaient le mouvement national». Cela dit, soutient l’historien qui est également chercheur associé au Crasc, «on ne peut pas dire que l’une ou l’autre partie a raison dans ce débat général où l’état-major estimait que ces négociations pouvaient nous mener au néocolonialisme». «Rédha Malek a joué dans cette controverse un grand rôle pour calmer les esprits en dépit de son jeune âge comme toute la délégation qui s’est retrouvée face à la partie française composée de politiciens, de juristes confirmés et de grands constitutionnalistes», fait-il remarquer. Pour lui, «l’amour de la patrie a agi positivement sur les négociateurs algériens venus défendre l’indépendance en s’accrochant à un seul principe, à savoir la souveraineté politique, soit un Etat à part entière devant une partie française qui avait tous les arguments politiques et juridiques nécessaires». «Le deuxième point sur lequel la délégation algérienne était intransigeante est l’unicité du peuple et l’intégrité du territoire, c’est pourquoi la fin des négociations devenait de plus en plus dure», affirme-t-il.
Assia Boucetta