Les salaires vus par un économiste et un syndicaliste : «L’augmentation doit être générale et significative»

Le président Tebboune annonce des nouvelles augmentations salariales devant entrer en vigueur début 2023.Professeur en sciences économiques à l’Université de Tlemcen, Abdellatif Kerzabi rappelle que la question salariale est devenue récurrente, d’autant qu’elle a un lien direct avec le niveau de vie des Algériens.

«Revendiquer une hausse des salaires signifie revendiquer une amélioration du niveau de vie. Toute augmentation de salaires ne peut être que la bienvenue. La déclaration va dans ce sens», affirme-t-il. Kerzabi explique que les spécialistes ont compris que la motivation du travailleur est liée au salaire qu’il perçoit. «Plus le salaire est bas, plus l’employé a tendance à flâner pendant les heures de travail. Le salaire est une mesure de la position sociale. Il valorise l’individu dans la société quand il est important. Cette valorisation passe par l’acquisition de biens et services nécessaires à l’amélioration du niveau de vie», souligne-t-il.
Selon lui, la question des salaires suscite quelques problèmes, notamment les écarts «importants» entre les catégories socioprofessionnelles. «Dans les hautes fonctions de l’Etat, ils peuvent aller jusqu’à 20 fois le SNMG, ce qui n’existe pas ailleurs», fait-il remarquer. Il estime que la hausse des prix qui pousse le citoyen à revendiquer une revalorisation salariale est due non seulement à l’inflation, mais aussi à l’intervention de spéculateurs sur les marchés. Il a, également, mis en avant certains services publics devenus, par la force des choses, payants. «C’est le cas de l’éducation nationale où certains cours pour les classes d’examens sont dispensés en privé contre une rémunération. C’est le cas aussi des services de santé publique qui voient beaucoup de patients s’orienter vers le privé. Ces facteurs font que le citoyen dépense beaucoup et donc favorisent la revendication salariale», note l’expert.
Qui va en profiter ?
Kerzabi constate que les salaires sont «désespérément bas». «Travailler aujourd’hui ne permet pas d’avoir un salaire digne. Le salaire moyen est de 220 euros. Il est facile de comprendre que tout le monde est concerné, et de ce fait l’augmentation des salaires doit être générale et significative. Je pense qu’il faut changer notre manière de voir l’économie. Il faut sortir du piège néolibéral et mettre l’économie au service du citoyen», conclut-il.
Le président du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation accueille favorablement la décision. «Cela signifie que le chef de l’Etat a reconnu que des efforts doivent être fournis pour mettre en œuvre une véritable politique salariale à même d’améliorer la situation des travailleurs», souligne Boualem Amoura.
Mode de vie à prendre en compte…
Le syndicaliste estime, toutefois, que les travailleurs ne peuvent pas attendre 2023 pour voir leurs salaires augmenter. Il revendique un salaire minimum de 80.000 DA, estimant, dans la foulée, indispensable de procéder à la revalorisation de la valeur du point indiciaire fixé depuis 2007à 45 DA. «La valeur de la zakat est passée de 35 DA en 2007 à 120 en 2021,tandis que celle du point indiciaire stagne», regrette-t-il. Il rappelle qu’une étude effectuée par le Syndicat dernièrement avait démontré que les dépenses quotidiennes d’une famille composée de cinq membres étaient estimées à 2.700 DA.
Dans ce sillage, le responsable estime urgent de revoir la politique salariale actuelle, jugée «inéquitable», rappelant que plus de 60% des retraités touchent une pension de moins de 25.000 DA par mois .Selon lui, les nouvelles augmentations doivent prendre en compte le mode de vie des Algériens complètement chamboulé et la réalité du marché gagné par l’inflation. Exemple, «le bidon d’huile commercialisé à 650 DA ne dépassait pas les 25 DA en 1995», assène-t-il.
Amokrane H.