Malek, Benkhedda, Dahleb… Acteurs et témoins
Redha Malek, qui était le porte-parole de la délégation du GPRA, a publié un ouvrage très documenté et fourmillant d’informations précisessur le déroulement des pourparlers et l’ambiance qui avait prévalu.
Dans son livre «L’Algérie à Evian, histoire des négociations secrètes» (1995, Seuil), Rédha Malek (1931-2017)rapporte, notamment, l’ambiancedes dernières heures et les sentimentsdes membres de la délégation FLN à l’approche de la signature des accords d’Evian.
Dans ce livre et de nombreuses conférences sur le sujet, l’ancien Premier ministredécritles derniers jours de négociations interminables où, selon lui,«le temps paraît si long ». Il s’est attardé sur la nervosité, les incertitudes quis’emparent de tous.
Présent durant toutes les phases des négociations, Rédha Malek est le mieux placé pour en parler. «Le samedi 17 mars, l’ambiance est fébrile à l’hôtel du Parc. Les documents se succèdentcomme si nos vis-à-vis s’étaient mués en machine à produire des textes. Nous devons les revoir et vérifier, en particulier, si les différents amendements qui ont donné lieu à tant de veilles y figurent bien», note-t-il dans ce qui s’apparente à un journal.
Avec une mémoire sans faille, l’auteur se rappellera, des années plus tard, du moindre détail des échanges entre les deux parties. Comme cette «coquille de taille» qui s’est glissée dans le texte final des accords d’Evian, lors de sa lecture par les Français. Un autre ouvrage tout aussi important traite des accords d’Evian. C’est celui de Benyoucef Benkhedda (1920-2003). «Les accords d’Evian » (1986, OPU) est écrit par le deuxième président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA, 1961-1962). Pour la première fois, Benkhedda, qui annonça à la radio la date d’entrée en vigueur du cessez-le-feu,livre ses réflexions sur ce qu’il qualifie de « grande victoire du peuple algérien» et réplique à ceux qui ont estimé que le document comportait des concessions à la partie française.
Pour sa part, Saâd Dahleb (1918-2000), alors ministre des Affaires étrangères et en cette qualité membre de la délégation FLN à Evian, a publié «Mission accomplie : pour l’indépendance de l’Algérie» aux éditions Dahleb en 1990. Dahleb était, sans conteste, l’un des artisans de la victoire de l’Algérie à Evian.
Dahleb relate, dans son livre «Mission accomplie»de nombreuses anecdotes comme celle-ci : «Un jour M. Joxe, exténué, arracha d’un geste vif de la main gauche ses lunettes et les déposa devant lui en jetant de la main droite son stylo au bout de la table : un geste qui nous devenait familier chaque fois qu’il était en colère ou feignait de l’être. Depuis quarante ans, grommela-t-il, je noue et je dénoue des ficelles cassées, je n’ai jamais vu une négociation pareille.Je lui répliquai doucement de la manière la plus détendue possible : Mais, monsieur, c’est la première fois que vous négociez avec des Algériens!» Cet extrait dévoile la pertinence des interventions d’un négociateur jamais dénuées de touches d’ironie. Parmi les livres qu’il faut lire pour s’introduire dans les coulisses de l’histoire des accords d’Evian, figurent ceux de Daho Ould Kablia «Boussouf et le Malg , la face cachée de la révolution» et de Mohamed Bedjaoui, «Une révolution à hauteur d’homme » et les mémoires de Mohamed Harbi. Tous étaient chargés, à un degré ou un autre, dela préparation des dossiers que les négociateurs du GPRA étaient chargés de défendre. Ce sont des documents de première main.
Karima Dehiles