Malek Laïdouni (expert en économie) : «Il faut une stratégie précise pour exploiter les travaux universitaires»
L’institution universitaire joue un rôle important dans le processus de développement économique à travers la recherche scientifique et en fournissant des compétences à même de générer de la croissance. C’est pourquoi l’institution universitaire doit être au centre des préoccupations du gouvernement, a plaidé, dans cet entretien, l’économiste Malek Laïdouni et ancien cadre au ministère de l’Industrie. Il a déploré, toutefois, le manque de corrélation entre l’université et le marché du travail dans la formation des compétences dans certains métiers.
Quel sont les facteurs qui peuvent dynamiser le partenariat économique avec l’université ?
La formation universitaire doit répondre aux besoins des nouveaux métiers. Le rapport industrie-université exige, ainsi, une adaptation permanente pour pouvoir suivre les mutations socio-économiques. Aujourd’hui, l’enseignement supérieur peine à former des diplômés dans le cadre des nouveaux métiers dont le domaine de la communication. L’université continue à former de manière académique, alors qu’elle a besoin de renouveler sa carte pour définir les spécialités dont le marché du travail a besoin. Pour atteindre cet objectif, il est impératif qu’elle soit dans la prospective pour mieux préparer à la formation de l’élite à même de construire l’avenir du pays. C’est l’affaire du ministère de l’Enseignement supérieur et du gouvernement. Ils doivent réfléchir aux formations universitaires plus judicieuses et d’un niveau plus opératoire qui se traduirait par la formation d’une élite capable de prendre les rênes du pays et mettre fin au problème de la mauvaise gouvernance.
Justement, comment l’université peut-elle participer à la production et à la gestion de l’innovation?
Nous devons avoir une vision et une stratégie précises pour pouvoir exploiter les travaux universitaires. On ne peut pas continuer à lancer des slogans sur la relance économique sans aucune forme institutionnelle de partenariat entre l’université et le secteur industriel. Cette problématique ne peut en aucun être une question conjoncturelle. Nous avons besoin de faire de la prospective. On parle, aujourd’hui, de la relance de l’industrie minière. Or, celle-ci demeure pauvre en termes de compétences techniques et managériales. Il faudrait penser à former une ressource humaine à même de prendre en charge ce secteur d’où l’intérêt d’une stratégie à court et à moyen termes.
Le ministère de l’Enseignement supérieur a plus besoin de revoir sa copie pour arriver à former suivant les besoins de l’économie nationale. Et à s’intéresser davantage aux métiers qui peuvent contribuer à la relance économique.
Quels sont les mécanismes qui doivent être mis en place afin que les résultats des recherches scientifiques soient transférables à l’industrie ?
L’industrie doit penser à mettre en place des Centres techniques spécialisés dans les différents domaines. Et pour faire progresser leurs initiatives vers une composante stratégique, ils ont besoin de coordonner leurs travaux avec les centres de recherche déjà existants. Ce qui devrait permettre de relever le niveau des compétences dans l’ensemble des nouveaux métiers et renforcer la base industrielle. On parle, aujourd’hui, d’une loi sur la sous-traitance. Mais il n’y a rien de concret pour le développement des PME. Les sous-traitants continuent d’être livrés à eux-mêmes, alors qu’ils devraient être accompagnés financièrement. Un soutien qui pourrait les aider à importer des centres d’usinage et se lancer dans la fabrication, entre autres, des pièces détachées.
Que proposez-vous pour libérer le potentiel productif pouvant assurer la relance économique ?
La construction d’une base industrielle ne se limite pas à la mise en place d’un cahier des charges pour l’importation des véhicules ou leur montage. Le véhicule n’est qu’un petit segment de l’industrie nationale. On peut aussi se poser la question sur l’utilité du Conseil participatif de l’Etat créé en 2001 dans le cadre de la privatisation. Idem pour le Conseil national de l’investissement dont les résultats sont dérisoires. Celui-ci ne peut, par conséquent, continuer à décider des investissements à consentir. Nous avons besoin de créer une direction générale de participation de l’Etat qui dépendra du Premier ministre. Il est, également, nécessaire de jeter les bases d’un ancrage juridique pour consacrer la sous-traitance industrielle pour la promotion des PME. Et élaborer des décrets et des textes de loi qui libéreraient définitivement les investisseurs qui n’auront plus à attendre leur tour au niveau des différents ministères. Lorsqu’il y a une loi, il suffit à l’investisseur d’exposer son intention d’investir au niveau de la wilaya. La bureaucratie a largement contribué à la détérioration de la confiance entre la population et le gouvernement.