Me Fatma-Zohra Benbrahem, juriste : «Nous ne faisons pas assez contre les réseaux de mendicité qui exploitent les enfants» 

Dans cet entretien, Me Fatma-Zohra Benbrahem juriste et avocate  revient sur la question de la protection des enfants et les dispositions prises par les pouvoirs publics dans ce sens.

L’Algérie a mis tout en œuvre dès l’indépendance pour la scolarisation des enfants. Elle s’est également donné les moyens pour la prise en charge médicale des mères et des enfants afin de réduire la mortalité infantile.…
À l’instar de tous les enfants du monde, les enfants algériens ont droit à une vie heureuse et épanouie. Après une longue période coloniale, marquée par l’analphabétisme, des taux importants de mortalité infantile dus à la malnutrition et aux maladies infectieuses, les autorités algériennes ont consacré d’énormes moyens financiers pour garantir le droit à l’éducation et aux soins. Dans ce sens, une loi est promulguée pour obliger les parents à inscrire leurs enfants à l’état civil dès la naissance et à l’école dès l’âge de 6 ans. Dans le cas contraire, ils seront sanctionnés pénalement et poursuivis en justice. D’ailleurs, l’instance nationale de protection et de promotion de l’enfance vient s’ajouter aux différents organismes spécialisés dans les droits de l’enfant. A ce titre, elle se constitue comme le représentant de l’Etat et défend les droits de l’enfant en cas de besoin. La mortalité infantile et maternelle a régressé énormément grâce à l’engagement des pouvoirs publics à garantir le suivi et la prise en charge des femmes enceintes et des bébés dans les structures dédiées à cet effet. En outre, des moyens financiers conséquents sont alloués pour garantir les vaccins et les traitements.
La convention internationale des droits de l’enfance interdit le travail des mineurs. Qu’en est-il en Algérie ?
En Algérie, la loi est claire. L’enfant doit être maintenu dans le système scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans. A partir de cet âge, s’il n’est pas apte à poursuivre ses études, il peut suivre une formation professionnelle ou un apprentissage dans une entreprise à titre de stagiaire avec l’accord des parents. En revanche, l’intégration d’un mineur dans une entreprise économique est un délit. Quant à l’exploitation des mineurs dans des travaux agricoles ou commerciaux par les parents ou des personnes étrangères, il  est passible d’emprisonnement. Sans oublier de mentionner ceux qui  imposent des activités illicites comme la mendicité ou la prostitution qui portent atteinte à l’intégrité physique et morale de l’enfant. Ce genre de pratiques n’est pas aussi important dans notre pays.
Mais nous ne faisons pas assez pour mettre un terme par exemple aux réseaux de mendicité qui mettent en évidence des bébés, des jeunes enfants pour toucher la sensibilité des gens. Par conséquent, la loi pénalise les adultes qui exploitent ces mineurs dans des actes de mendicité qui les mettent en danger.
Qu’en est-il du mariage des mineures ?
Le mariage des filles mineures existe bel et bien en Algérie mais est soumis à l’appréciation des magistrats. Ces derniers autorisent le mariage après avoir écouté les parents et leurs motivations à marier leurs filles. Cependant, il ne peut être autorisé que si la fille est âgée de 16 ans et trois mois, au-dessous de cet âge, il est totalement interdit. Un autre cas de mariage des mineures concerne les filles tombées enceintes après un viol ou un rapport consenti. Dans ce cas, l’auteur du crime ou le partenaire sexuel est obligé d’épouser la victime et de reconnaître l’enfant à naître. Cette démarche oblige les parents à renoncer à déposer plainte et la justice à poursuivre l’auteur.
Comment protéger les droits des enfants nés hors mariage ?
Dans la convention internationale, le droit à la filiation y est mentionné. Les enfants nés sous X ou hors mariage sont un fardeau dont on veut se débarrasser. Toutefois, deux cas distincts se posent. Il y a l’abandon partiel, quand la mère est connue, l’enfant porte son nom. L’abandon total, c’est quand les deux parents ne sont pas connus. L’enfant est donc placé dans un établissement public ou  une pouponnière. Pour éviter ces drames et permettre à l’enfant d’avoir une filiation, nous avons proposé l’utilisation des tests ADN qui déterminent avec précision la filiation, à la demande de la mère ou plus tard de l’enfant. C’est une technologie reconnue à travers le monde. En Algérie, le test ADN est carrément ignoré et la justice n’en fait pas une demande et rejette celles des personnes intéressées. Pour y remédier, nous avons réclamé de recourir à des laboratoires indépendants qui peuvent fournir cette preuve scientifique et irréfutable et aider des milliers de familles.
Pensez-vous que l’Etat algérien protège efficacement les enfants ?  
La législation algérienne a fait d’énormes efforts. Le dernier en date est la promulgation de la loi contre le kidnapping et l’assassinat de mineurs qui réserve des sanctions à la hauteur du crime. En outre, au vu de la situation de certains enfants qui vivent dans des conditions lamentables, l’Etat doit mettre davantage de moyens pour leur garantir une vie décente.
Entretien réalisé par Karima Dehiles