Mohamed Achir à Horizons : «On doit favoriser la production locale»

Mohamed Achir  souligne dans cet entretien la nécessité de réorienter   notre mode de consommation en favorisant la production locale, notamment agricole pour  réduire en premier lieu  la facture de l’importation. Selon lui, le consommateur doit lutter  aussi  contre le gaspillage et rationaliser  ses  dépenses. Autrement dit, faire émerger une approche de développement durable et de responsabilité sociétale.

Qu’est-ce qu’un modèle de consommation ?
Cette notion très complexe à définir tient compte des besoins  de la société,  de son niveau de développement et sa stratification. Aujourd’hui, nous assistons à la standardisation, à l’uniformisation des goûts et à  l’orientation de la consommation au niveau mondial. Le modèle US se répandant partout. Leurs multinationales  standardisent et imposent  goûts et besoins. Nous nous  éloignons, de plus en plus,  du modèle classique traditionnel. L’Algérie, influencée par cette variable, en termes d’alimentation, de tenues vestimentaires et services, notamment numériques, n’y échappe pas. L’enjeu pour tous  les pays est de préserver leur mode de consommation. Les croyances religieuses,  les cultures et les contraintes budgétaires constituent des  freins à cette hégémonie de standardisation.
L’Algérie devra-t-elle changer de  modèle de consommation en tenant compte de la situation financière et économique actuelle ?
Il serait difficile de changer. Il est plus judicieux de parler de réorientation d’un  modèle  vers  les produits locaux. Nous consommons plus de 8 milliards de dollars  de produits importés et  nous sommes parmi les premiers consommateurs au monde  de sucre,  de produits laitiers et de céréales, notamment la farine. La facture  d’importation est très lourde. Notre structure d’alimentation est basée essentiellement sur ces produits et nous mangeons peu de produits agricoles qui sont pourtant  abondants. L’Etat, la société civile et les associations de consommateurs ont un rôle important à jouer dans le cadre de la sensibilisation quant à cette réorientation, la rationalisation et contre le gaspillage. L’Etat peut intervenir par contrainte juridique en imposant des lois pour diminuer les taux de ces produits (sucre, huile…)  dans la fabrication, par exemple, des jus, de pâtisseries… ou par contrainte budgétaire en révisant le système de subventions. Il faut rendre ces produits plus chers pour réorienter la consommation.
La révision des subventions est-elle impérative ?
La révision des subventions doit s’inscrire dans la définition du nouveau mode de consommation qui doit être durable et responsable. En  Europe, certains chercheurs ont développé le concept de consom-acteur. Le consommateur doit être acteur et responsable  de ce qu’il consomme. D’un  point de vue sanitaire, notre  mode de consommation n’est pas sain et économiquement n’est pas soutenable. Il coûte  énormément cher car nous dépendant de l’importation (huile, sucre, farine…). Il est  orienté vers ces produits  par ce qu’ils sont justement soutenus par l’Etat. Le litre de lait est cédé à  25 DA quand son prix réel est de 60 dinars. Avec la baguette de pain à  10 DA et le lait à 25 DA, les gens achètent plus et gaspille beaucoup. Nous devons revoir notre système de subventions et procéder par des transferts  monétaires aux personnes ayant un faible revenu. Il ne faut pas se cacher derrière l’économie de marché mais adopter une nouvelle approche basée sur le développement durable, la consommation saine et socialement responsable. Nous  sommes un pays énergivore et nous consommons beaucoup  d’eau. Nous devons revenir aux prix réels. Le coût de revient d’un litre d’essence sans plomb se situe entre 110 à  120 DA alors qu’il est cédé à 45 DA. Un mètre cube d’eau qui  revient à 75 DA  est cédé à 25 dinars. Idem pour l’électricité. Un KW revient à 12 DA mais   subventionné à 4 DA. Ce n’est pas du tout soutenable.
Faut-il stimuler la consommation pour booster la production ou  freiner
celle-ci  au  vu  de la situation financière du pays ?
Il faut stimuler la consommation  qui crée un effet multiplicateur. Augmenter la dépense publique va  générer une demande globale qui tirera vers le haut la production locale et la croissance. Le mode de consommation et le mode de production ont une relation cyclique. Au lieu d’importer, il faut encourager les produits locaux en respectant la variable de la responsabilité sanitaire et environnementale.
Entretien réalisé par Wassila Ould Hamouda