Nabil Djemaâ, économiste : «Le système des subventions doit être ciblé»
Economiste et professeur d’université, Nabil Djemaâ appelle à un ciblage des subventions des produits de première nécessité, pour empêcher les lobbies d’en profiter. De son avis, la démarche idoine consiste à inclure les subventions dans les salaires des familles nécessiteuses.
Est-il temps de revoir le système des subventions ?
Oui, bien évidemment. On a même pris du retard dans sa révision.
Quels sont les arguments qui plaident en faveur de la révision du système des subventions ?
Nous perdons en moyenne 17 milliards de dollars par an dans les subventions.
Pourquoi qualifiez-vous les subventions de perte ?
Parce que ce n’est pas le citoyen algérien qui bénéficie de cette subvention, elle part aux lobbies. Je vous donne un exemple : la subvention du prix de l’essence n’est pas au profit du citoyen qui en consomme peu. Ce sont des lobbies de contrebandiers qui en profitent en faisant sortir le fioul à travers nos frontières. Il y a aussi le blé, la farine, la semoule, l’huile qui sont concernés par ce type de détournement. Beaucoup de nos produits subventionnés sortent de nos frontières terrestres et aériennes parce que leurs prix sont très bas, alors qu’ils sont élevés dans d’autres pays.
Justement, comment devrait-on intervenir sur le système des subventions pour diminuer les pertes?
On devrait cibler les produits subventionnés en les répercutant directement sur les salaires des Algériens. Au lieu d’en faire profiter les contrebandiers, on doit verser ces subventions directement dans les salaires. Nous avons une base de données au niveau de la Cnas, les ministères de l’Intérieur et du Travail pour réaliser ce ciblage. C’est très pratique, surtout avec la numérisation, ce qui nous permettra de stabiliser l’économie monétaire, car nous avons des déséquilibres, comme font tous les pays du monde. Nous sommes frappés par les longues files pour l’achat de certains produits, comme le lait et l’huile, qui sont la conséquence d’un réseau de distribution défaillant. De plus, il faut vendre les produits à leur prix réel, pour faire des économies. La stabilisation des prix est une nécessité. Le but de l’économie monétaire est la stabilisation des prix, la maîtrise de l’inflation et la croissance. Actuellement, notre économie monétaire ne suit pas ces objectifs, elle fait le contraire. Donc, il faut la revoir. La révision de ce modèle est un impératif. D’ailleurs, le président de la République et le Premier ministre ont parlé du nouveau modèle économique. La politique monétaire algérienne a déstabilisé la monnaie nationale et les stocks des produits agroalimentaires.
Le ciblage des subventions doit concerner quels produits précisément ?
Cela doit toucher tous les produits : l’énergie, le lait, la semoule…Il y a nécessité d’agir, car nous perdons énormément d’argent et ce sont essentiellement les lobbies qui en profitent en détournant nos produits subventionnés.