Prise en charge des trisomiques : Un combat au long cours
Définie comme anomalie chromosomique, la trisomie 21, appelée aussi syndrome de Dawn, touche environ 3.000 à 5.000 nouvelles naissances par an dans le monde. En décembre 2011, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé de proclamer le 21 mars, Journée mondiale de la trisomie 21.
Les personnes atteintes souffrent de divers degrés de déficience intellectuelle et physique et autres pathologies, indique le Dr Soumia Setti, orthophoniste, installée à Alger. Selon elle, la qualité de vie de ces personnes peut être améliorée en veillant à une prise en charge précoce, notamment sur les plans orthophonique psychologique et moteur. Avant l’âge de la scolarisation en répondant à leurs besoins de soins de santé grâce notamment à des contrôles médicaux réguliers pour surveiller leur condition physique et mentale. «Il faut une équipe médicale pluridisciplinaire pour assurer à ces enfants leur autonomie», indique-t-elle. Engagée dans la prise en charge de cette catégorie de patients, le Dr Setti publie des vidéos sur chaîne YouTube Setti afin de changer la vision de la société sur ces personnes. Elle propose aux parents qui n’ont pas les moyens de payer des séances d’orthophonie, différentes méthodes pour les aider à mieux parler. Selon elle, l’accompagnement des parents et des familles des trisomiques est un moyen sûr de dépasser les nombreuses contraintes qu’ils rencontrent.
Pour sa part Mme Dyhia Zidane, membre du bureau de l’Association de wilaya d’insertion des trisomiques (AWIT) de Tizi-Ouzou, a affirmé que le combat de l’intégration socioprofessionnel est encore long. Selon elle, ces enfants ont des caractéristiques physiques particulières et la plupart d’entre eux souffrent d’une déficience intellectuelle et psychomoteur, d’où l’importance de leur accompagnement à partir de 24 mois. Créée en 1992, l’Association nationale d’insertion des trisomiques (ANIT)tente, tant bien que mal,et ce, à travers ces bureaux régionaux, d’intégrer ces enfants dans les établissements scolaires et les centres de formation professionnelle. Grâce à ces soutiens, leur intégration dans la vie sociale et leur épanouissement personnel sont facilités. «Notre objectif est d’apprendre à ces enfants la vraie vie, nous voulons qu’ils soient traités comme le reste des enfants», a-t-il insisté. L’objectif à long terme est d’établir des partenariats avec les acteurs économiques pour leur intégration dans le monde du travail.
Pour notre interlocutrice, la promotion des personnes touchées par ce syndrome exige un effort supplémentaire. «Chaque secteur doit assumer pleinement sa responsabilité pour assurer un avenir meilleur aux trisomiques», a-t-elle insisté. Mme Zidane a, par ailleurs, lancé un appel aux parents d’accepter la situation, comme elle a déploré l’absence d’un accompagnement psychologique dès la naissance. «Il faut libérer les consciences, il est temps de changer le regard qu’on porte sur eux», a-t-elle ajouté. A l’occasion de cette journée, les associations activant dans ce domaine ont organisé des activités culturelles et sportives pour sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics sur les besoins de cette frange de la société.
Samira Belabed
Accompagnement des parents : Premier pas dans la prise en charge
Les intervenants à une journée d’étude, organisée par l’Association nationale d’insertion des trisomiques (ANIT), sous le thème «l’accompagnement de familles avec un enfant handicapé», ont soulevé le manque d’accompagnement des parents pour accepter le handicap de leur enfant.
Selon le Dr Lyes Saoudi, conseiller conjugal et familial, les parents doivent savoir qu’élever un enfant avec un handicap n’est pas sans difficultés. «Avant et après la naissance de l’enfant porteur d’une déficience, la préparation psychologique des parents est malheureusement absente en Algérie», a-t-il déploré. Ces enfants atteints de trisomie font l’objet d’un refus catégorique de leurs parents, allant parfois jusqu’au divorce. «Nous avons eu des cas où le l’enfant a été confié à un proche», a-t-il révélé. Pour le Dr Saoudi, avoir un enfant handicapé n’est pas un tabou, il suffit juste de savoir comment se comporter et s’adapter à ce handicap. «S’apitoyer sur son sort n’est pas une solution, il faut chercher les moyens d’aider son enfant à avoir une vie normale malgré toutes les entraves», a-t-il conseillé.
C’est la raison pour laquelle, faut-il le rappeler, que l’ANIT a tracé un programme d’information et de formation au profit des parents. Pour cette association, s’occuper des parents, c’est le premier pas de la prise en charge de ces enfants.
Samira B.
Faiza Maâmeri, directrice de Profil Académie Algérie : «Notre engagement en faveur des handicapés est humanitaire »
Auteure chorégraphe, diplômée de la Société des beaux-arts d’Alger, MmeFaiza Maameri, directrice de Profil Académie Algérie, a été désignée par la BBC Arabic parmi les 100 femmes les plus influentes dans le mode en 2017. Elle revient dans cette interview sur son expérience avec les personnes trisomiques et le rôle des arts dans l’épanouissement de ces enfants.
Pouvez-vous nous parler de l’expérience de votre académie ?
Il m’est difficile de faire un résumé d’une aventure qui dure depuis plus de 15 ans avec le handicap, difficile de décrire des moments émouvants, magiques, tristes, souvent grandioses jusqu’à surpasser la réalité. Profil Académie enseigne les arts de la scène, comme les danses folklorique, classique et contemporaine. Alors que le rôle bénéfique de l’apprentissage de l’art dans l’inclusion socioculturelle des enfants à besoins spécifiques n’est plus à démontrer, dans la nature même de l’homme et dans son esprit, il appartient à chacun de nous d’apporter ce que nous ne pouvons percevoir de par nos sens et notre conscience. Notre engagement est humanitaire. Le but est de donner à ces enfants accès à la culture, l’art et l’éducation artistique.
Qu’est-ce qui a provoqué ce déclic ?
2009, fut l’année du déclic pour l’engagement humanitaire, je m’intéresse à la situation des enfants défavorisés, à savoir handicapés, trisomiques et abandonnés. J’ai réalisé mon premier spectacle au Palais de la culture en faveur de ces enfants. Une nouvelle conception de l’art est née alors pour voir émerger la notion de partage, d’inclusion et de don.
A partir de cette année, l’école, qui s’est développée en académie et jumelée à l’Association culturelle pour la promotion de la musique et des arts chorégraphiques, a toujours été engagée dans le caritatif. Au cœur de tous ses projets, rayonnait l’enfance. L’ACPMAC et Académie Profil sont un lieu de vie artistique, culturel et social, un lieu d’engagement sur des sujets d’intérêt sociétal. Elles dynamisent le croisement et le brassage des publics sans distinction et portent le projet du vivre-ensemble dans un environnement de diversité artistique et culturelle. Cela fait trois ans qu’elle est admise au Conseil international de la danse de l’Unesco et est habilitée à délivrer des attestations reconnues à l’international.
L’engagement de mon équipe et le mien m’ont permis de décrocher le premier prix Novi Cives du Festival international de l’histoire en octobre 2019 à Bologne (Italie) pour la teneur de ses engagements artistiques en faveur des droits de l’homme. Depuis une dizaine d’années, nous contribuons à l’émergence de beaucoup de talents dans plusieurs domaines. Notre objectif est presque atteint puisque certains d’entre eux auront bientôt accès à des postes de travail. D’autres ont participé à des festivals internationaux où nous avons décroché plusieurs prix.
Quel programme avez-vous tracé pour cette journée ?
Nous avons organisé une semaine au cours de laquelle les enfants à besoins spécifiques vivront des situations exceptionnelles à travers des ateliers artistiques, sportifs et des expériences d’immersion professionnelle, soutenus par nos partenaires et sponsors. Une expérience humaine, révélatrice d’un potentiel étonnant visant à favoriser une approche pratique de l’inclusion et de l’émergence des enfants en situation de handicap. Cette édition inaugurale tracera la première trame d’une nouvelle conception du handicap et fera évoluer la notion de prise en charge vers un accompagnement socio-culturel nettement plus inclusif. Le 1er festival, intitulé «Vivre ensemble», parrainé par les laboratoires Frater-Razes, a été clôturé par la projection d’un film documentaire qui mettra en scène cette frange de la société dans leur quotidien, leurs rêves, leurs espoirs, comme témoignage d’une réalité.
En quoi l’inclusion est-elle importante ?
Cette inclusion en tant que valeur partagée nécessitera patience, exigence, espérance, persévérance et endurance. L’inclusion du handicap est un aspect essentiel du respect des droits humains, du développement durable et de la paix.
L’inclusion professionnelle mène à l’inclusion sociale. L’importance d’une intégration est avant tout d’aider l’enfant. Le concept solidaire et inclusif a pour mission de rendre le handicap visible, favoriser la rencontre, et proposer ainsi une occupation à des personnes éloignées de l’emploi.
Votre mot de conclusion
Mon but à travers la démarche de Profil Académie est d’intégrer les trisomiques aux autres enfants. Leur intégration sociale est de la responsabilité de tous.