Massacres du 8 mai 1945 : La responsabilité de l’Etat français

Tous les historiens s’accordent à dire que les massacres du 8 Mai 1945 ont constitué un tournant décisif dans l’évolution de la pensée de la résistance algérienne et de l’établissement d’une nouvelle approche basée sur la règle selon laquelle «ce qui a été pris par la force ne peut être récupéré que par la force».

L’historien Mustapha Abid est revenu sur le contexte de cette date phare pour rappeler qu’au moment où les Français célébraient la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers d’Algériens descendaient dans les rues de Sétif, Guelma et Kherrata, ainsi que dans d’autres villes du pays, en réponse à l’appel à organiser une marche pacifique pour l’indépendance de l’Algérie. « Contre toute attente, la réaction de l’administration coloniale fut si féroce et violente qu’elle lança une vague de répression sanglante contre les manifestants non armés, tuant plus de 45.000 personnes », rappelle-t-il.

Pendant plusieurs semaines, les forces coloniales et leurs milices ont eu recours à toutes les formes de violences, avec des tueries qui n’ont pas épargné ni les enfants,  ni les femmes ni les personnes âgées. L’historien tient à faire remarquer que jusqu’à ce jour, le rapport de la commission d’enquête «Tubert», du nom du général Paul Tubert,  reste la seule source importante sur la vérité sur ce qui s’est passé lors de ces massacres. Si ce document ne dresse qu’une infime partie de la vérité historique, il évoque toutefois, dit-il, la situation qui prévalait avant le début de ces massacres ayant emporté des milliers d’Algériens. Aujourd’hui, recommande Abidi, toute la lumière doit être faite sur ces faits criminels et la responsabilité incombe aux historiens et aux instances chargées de la défense de la mémoire nationale. Dans ce sillage, l’historien n’a pas manqué de remercier le chef de l’Etat pour l’instauration de cette Journée nationale de la mémoire qui rend hommage aux sacrifices immenses du peuple algérien.

La responsabilité politique doit être prouvée

L’historien Sidali Ahmed Messaoud, de l’Université de M’sila, a rappelé, lui aussi,  que la Journée nationale de la mémoire est «lourde de sens», car elle incarne une date des plus symboliques de la Révolution nationale. C’est pour lui «un souvenir douloureux qu’a connu l’Algérie pendant la période coloniale» et qui doit être traité sous toutes ses facettes. Il a salué le processus engagé par les autorités publiques pour la collecte de témoignages au niveau local. Toutefois,  il fera remarquer que jusqu’à présent cet effort se concentre sur la responsabilité militaire, occultant ainsi complètement la responsabilité politique de l’occupant français.

«La responsabilité politique doit être démontrée, et il faut œuvrer à ce que cela se fasse dans le cadre des négociations engagées pour la reconnaissance des crimes commis en Algérie durant la guerre de Libération nationale», a-t-il insisté,  relevant que cette responsabilité politique incombe directement au général De Gaulle qui a donné l’ordre de tirer sur des milliers de manifestants désarmés. Dans ce sillage Messaoud rappelle que la presse américaine de l’époque et les consuls étrangers en Algérie ont reconnu ces crimes, « mais  la France continue de minimiser l’ampleur de ce génocide en remettant en cause même le nombre des victimes ».

Le chargé de l’organique au niveau de l’Association nationale pour la préservation de la mémoire, a mis en avant quant à lui le rôle primordial que doit assumer le mouvement associatif dans la préservation de la mémoire nationale et la transmission de l’histoire de la glorieuse guerre de Libération aux générations futures. Il a expliqué que l’Association traite de quatre dossiers importants et a pour mission de conforter l’Etat dans son œuvre visant à protéger les acquis historiques. Il souligne que les massacres du 8 Mai 1945 ont constitué un tournant décisif dans la guerre de Libération. « Il est du devoir de l’élite nationale d’élucider ces crimes à travers des initiatives communes regroupant des spécialistes et des historiens », juge-t-il.

Le responsable a néanmoins reconnu que ce dossier a pris une nouvelle dimension grâce à l’engagement du chef de l’Etat à protéger la mémoire et l’identité nationales. D’ailleurs, souligne-t-il, l’instauration de la Journée nationale de la mémoire s’inscrit dans le cadre des décisions prises par la plus haute autorité du pays visant la glorification des symboles de la Révolution.

Aya Malak

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