Tassili de l’Ahaggar : Découverte de la grotte préhistorique Telem Fezza

La grotte de Telem Fezza, non datée, a été découverte dans le Tassili Ahaggar, ont annoncé le professeur Idir Amara et son acolyte, Dr Yasmina Damouche, tous deux de l’Université d’Alger, à l’occasion d’une conférence organisée lundi au Musée du Bardo dans le cadre du Mois du patrimoine.

Cette cavité préhistorique témoigne, d’après eux, du passé sur la région du Sahara Central, il y a environ 7.000 ans avant notre ère. «La recherche préhistorique en Algérie est encore influencée par des interprétations établies il y a 70 ans, ne tenant pas compte des avancées récentes», a indiqué le Professeur Amara.

Selon lui, l’histoire de l’Afrique du Nord a longtemps été interprétée à travers un prisme européen, ignorant les perspectives et les développements locaux. L’universitaire souligne que l’Algérie possède un riche patrimoine archéologique, mais l’exploration et l’analyse approfondies de ces sites sont insuffisantes. «La recherche est souvent compartimentée par périodes ou spécialités, limitant une compréhension globale de l’histoire algérienne», a-t-il poursuivi.

Pr Amara : «L’archéologie algérienne doit s’affranchir des influences extérieures»

L’archéologue assure qu’il est crucial de réexaminer les découvertes archéologiques à la lumière des connaissances actuelles et de proposer des interprétations plus nuancées. «L’archéologie algérienne doit s’affranchir des influences extérieures et développer ses propres approches et théories, tout en encourageant la collaboration entre les chercheurs algériens et internationaux pour favoriser l’échange d’idées et l’avancement de la recherche», a-t-il plaidé.

Selon lui, la réappropriation de la connaissance archéologique en Algérie est un processus nécessaire pour libérer la recherche des biais du passé et construire une compréhension plus juste et inclusive de l’Histoire du pays. Cela implique de remettre en question les paradigmes dominants, de valoriser l’héritage algérien et de développer de nouvelles approches scientifiques fondées sur la collaboration et le respect mutuel.

Remettre en question les «récits eurocentriques»

«L’idée d’une origine européenne de l’ibéromaurusien doit être reconsidérée à la lumière de nouvelles recherches et d’une analyse plus approfondie du contexte nord-africain. Il est important de reconnaître les connaissances et les techniques développées localement par les populations», a-t-il souligné.

Dans le même sens, poursuit Pr Amara, il faut remettre en question les «récits eurocentriques» qui ont longtemps dominé le champ de l’archéologie nord-africaine, en introduisant les contributions algériennes à l’histoire et à la culture humaine. «Une compréhension approfondie du passé algérien est essentielle pour renforcer l’identité nationale et la fierté culturelle», a-t-il mis en avant.

Sur le plan archéologique, l’analyse de gravures rupestres découvertes dans une grotte du Sahara a mis en lumière une distinction fascinante entre les représentations intérieures et extérieures. «A l’intérieur, on trouve exclusivement des animaux domestiques, dont des antilopes, une girafe et des formes géométriques. En revanche, les gravures extérieures dépeignent la faune sauvage de la région, incluant des rhinocéros, des éléphants et des autruches», explique plus en détail Dr Yasmina Damouche qui présentait les recherches effectuées par son équipe.

Cette découverte, présentée par une chercheuse, souligne l’importance de considérer le contexte environnant lors de l’interprétation de l’art rupestre. La présence d’animaux domestiques à l’intérieur de la grotte suggère une signification symbolique liée à la vie quotidienne et aux relations entre les humains et les animaux. Les formes géométriques, également présentes à l’intérieur, pourraient jouer un rôle similaire.

Les difficultés de financement de la recherche archéologique

En contraste, les gravures extérieures, représentant la faune sauvage, pourraient refléter les dangers et les opportunités présents dans l’environnement extérieur à la grotte. «Cette étude, qui s’éloigne des interprétations ethnocentriques, ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension des sociétés sahariennes préhistoriques. La publication prochaine d’un article scientifique permettra d’approfondir l’analyse de ces découvertes et de leur signification», fait savoir Pr Amara.

Le financement de la recherche archéologique au Sahara est un défi majeur, comme le souligne Pr Idir Amara. «Les chercheurs font face à de nombreuses difficultés pour obtenir les fonds nécessaires à leurs travaux, et ce, malgré l’importance de ces recherches pour la compréhension de l’histoire et de la culture de la région», regrette-t-il.

Une exploration approfondie pour comprendre l’histoire

L’étude de la grotte de Telem Fezza ne se limite pas à la simple description des artefacts trouvés. Il s’agit d’une exploration approfondie qui vise à comprendre l’histoire et l’occupation de ce site unique sur plusieurs millénaires.

En s’appuyant sur les analyses stratigraphiques et les découvertes archéologiques, les chercheurs estiment que les niveaux supérieurs de la grotte remontent à 3.000-3.500 ans avant notre ère, tandis que les niveaux inférieurs pourraient dater de 4.000, 5.000 voire 6.000 ans avant notre ère. «L’analyse des peintures rupestres présentes dans la grotte révèle un style artistique rare et précieux. En s’enfonçant dans la grotte, on observe une évolution des représentations, passant des gravures peintes à des cupules, qui constituent la signature visuelle de ce lieu. Ces cupules, ainsi que les autres vestiges archéologiques, apportent des informations cruciales sur le rôle joué par la grotte pour les sociétés holocènes qui l’ont occupée il y a des millénaires», affirme Pr Amara.

Walid Souahi

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