Les jeunes et la lecture : La règle et l’exception

 Sur un ton d’étonnement ou d’indignation, on proclame que les jeunes ne lisent pas. Pas du tout, ou du moins pas assez pour la majorité, pourrait-on avancer sans hésitation et sans craindre d’être contredit.

Nul besoin d’enquêtes même si l’assertion peut paraître abusive et injuste dans un contexte ou même les habitudes de lecture se sont radicalement transformées. Il suffit de discuter avec des lycéens, des étudiants qui poursuivent des études dans des instituts de lettres. On peut  s’inscrire en lettres anglaises en ignorant tout des classiques américains ou suivre une licence de français sans avoir un jour feuilleté «Le fils du pauvre».

Le désintérêt pour la lecture est devenu une règle même si elle a sans doute des exceptions. On peut bien surprendre un jeune avec «L’Odyssée» d’Homère entre les mains ou une étudiante en train de lire Naguib Mahfoud ou Stephen King dans le texte. Il existe des auteurs qu’on lit, qu’on admire ou qu’on critique. Toutefois, on s’intéresse davantage à ce que disent Boudjedra, Yasmina Khadra sur l’actualité politique qu’à leurs textes. Un peu comme si la réalité a fini par rattraper et dépasser la fiction. Dans la plupart des cas, on lit utile.

Cette situation n’étonne plus ceux qui pensent que la lecture reste la voie royale pour accéder à la connaissance. Elle s’explique en tout cas par plusieurs raisons.

En premier lieu, avec l’apparition des technologies modernes, l’offre de loisirs s’est diversifiée. Les jeux, la tchatche, les voyages, les randonnées ont supplanté la lecture. Fini le temps ou durant les vacances le choix se limitait à plonger dans l’eau, dans une aventure romanesque ou une palpitante enquête policière. Nul besoin de naître dans une famille où l’habitude de lire était bien ancrée. Ce sont l’attrait précoce pour la bande dessinée et le manque de loisirs qui ont conduit beaucoup de jeunes à lire.

Amine Malouf ou Paulo Coelho ont sans doute encore des admirateurs mais les héros des mangas, des séries, les vedettes sportives et les jeux attirent davantage. En Algérie, la littérature jeunesse est aussi le parent pauvre de l’édition qui fait la part belle aux livres d’histoire et politiques les plus demandés.

Pour expliquer le recul de la lecture comme pratique de masse, même si elle ne fut à vrai dire jamais un trait de la société algérienne ou l’analphabétisme était élevé mais fréquent dans les différents cycles de l’enseignement, quelques facteurs sont avancés. Outre un effondrement du niveau de compréhension des langues qui affecte surtout ce qui s’écrit en français, le prix des livres est un obstacle.

«Ce qui existe en bibliothèque est varié mais ne m’intéresse pas trop confie une jeune lycéenne.» Elle aimerait bien avoir toute la collection de Guillaume Musso mais à 1.200 DA le livre elle estime que par rapport à son argent de poche cela reste cher. Faute de mieux, elle recourt à l’échange avec ses copines. Reste l’école qui, naguère, poussait les jeunes à lire. Elle aussi peine à faire aimer le livre dans un environnement où elle doit ramer à contre-courant.

R. Hammoudi

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