Commentaire : Le visage hideux du colonialisme

Il suffit parfois d’une étincelle pour provoquer l’incendie. En politique aussi, un événement qui peut sembler anodin dans un certain contexte mène à un aboutissement éruptif, totalement inattendu par sa brutalité et ses conséquences futures. Ainsi en est-il de ce 8 mai 45 en Algérie.

La Seconde Guerre mondiale prenait fin et dans tous les pays qui ont en souffert, c’est la liesse. Les Algériens aussi voulaient prendre part à cette cérémonie des vainqueurs, car ils avaient combattu les hordes hitlériennes sur tous les fronts européens. Certes, sous la bannière française, car ils étaient encore sous domination coloniale, mais les partis politiques nationaux voulaient affirmer à travers cet événement l’identité algérienne, rappeler à la France les promesses d’une amélioration du statut social de la population algérienne faites en contrepartie d’une contribution à sa libération et celle de l’Europe du joug nazi, mais également interpeller la communauté internationale, et en particulier les États-Unis d’Amérique, grand vainqueur de ce conflit mondial, sur le droit à l’autodétermination du peuple algérien.

Incroyable répression coloniale

Quand, à l’appel des leaders indépendantistes, s’ébranla à Sétif une manifestation pacifique conduite par de jeunes Scouts musulmans, personne ne s’attendait à l’éclat d’une incroyable répression coloniale qui allait suivre. Il a suffi qu’un scout du nom de Saâl Bouzid brandisse l’étendard algérien. Un policier l’abattit d’un coup de pistolet. La manifestation se transforme en émeute. Les violences s’étendent dans les agglomérations comme dans les campagnes, notamment à Sétif, Bejaïa et Guelma.

Pour réduire une protestation qui leur paraissait se transformer en dangereuse insurrection contre le système colonial, la France mobilisa non seulement ses forces policières et ses milices civiles, mais aussi son armée, déterminée à mâter dans le sang tout mouvement de rébellion. Une violence inouïe s’abattit pendant plusieurs semaines sur les Algériens qui ont été tabassés, arrêtés, torturés, jetés par camions entiers dans les précipices des gorges de Kherrata ou brûlés dans les fours de Guelma, assassinés, massacrés en masse et même bombardés par des navires de guerre, sans aucune pitié ni pour les vieillards ni pour les enfants.

Ces massacres seront longtemps niés par les autorités françaises coincées dans leur refus infantile de voir les horreurs de la colonisation, mais celles-ci ont finalement dû reconnaître officiellement la responsabilité de leur Etat dans cet acte gravissime. Pour les Algériens, le 8 Mai 1945 a sonné le glas de la domination française. Les militants nationalistes ont tiré la leçon. Le temps des palabres était fini, la parole était aux armes.

 Ouali Mouterfi

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