L’Italie est l’invité d’honneur du 4e festival du film méditerranéen d’Annaba. Un programme spécial est dédié à son 7e art. « 130 ans de cinéma italien» résume un parcours riche en réalisations et en grands noms.
Lors d’une conférence animée vendredi à l’hôtel Seybouse, des critiques et chercheurs spécialistes du cinéma italien, modérés par la directrice de l’Institut italien à Alger, Antonia Grande ont évoqué les importantes étapes et influences du cinéma italien et la coopération algéro-italienne dans le domaine.
Grande rappela que «les relations algéro-italiennes existent depuis l’indépendance de l’Algérie et l’Italie a toujours soutenu l’Algérie durant la guerre de Libération et la décennie noire». Le critique et historien, Massimo Lechi s’est arrêté en premier sur quatre réalisateurs italiens, qui se sont intéressés au monde arabe citant Gillo Pontecorvo le réalisateur de «La bataille d’Alger» l’un des films les plus importants sur la guerre d’Algérie. « En plus de Luchino Visconti, Paolo Pasolini et Roberto Rossellini ces quatre personnalités très différentes ont eu l’intelligence et la sensibilité de se rendre compte que le monde arabe était un espace économique, culturel et politique qui pouvait influencer le futur de la région et du monde», a-t-il ajouté.
Selon lui, Pontecorvo avait joué un rôle très important dans la résistance italienne contre le fascisme et le nazisme durant les années 1940. «Dans les années 1950, Pontecorvo était venu en Algérie pour s’informer personnellement sur le combat du peuple algérien contre le colonialisme». S’agissant de «La bataille d’Alger», «Pontecorvo, a raconté le conférencier, a entamé durant cette période l’écriture d’un scénario d’un film qu’il avait intitulé «Para» qui est l’histoire d’un parachutiste outré par les agissements de l’armée française et qui décide de changer de camp».
Mais après la signature des accords d’Evian, le projet est abandonné. Pontecorvo estimait qu’il n’était plus nécessaire d’aborder tel sujet qui pouvait être très sensible dans ce contexte.
Naissance d’un film culte
Après l’indépendance, le FLN se rend en Italie pour contacter des réalisateurs qui pourraient faire un film sur la révolution. Il y avait trois candidats, parmi les plus grands noms du cinéma italien, Francesco Rossi, Luchino Visconti et Pontecorvo, un jeune réalisateur qui s’est fait remarquer par son film «Kapô» qui traite de la persécution nazie contre les juifs et déjà candidat aux Oscars.
Visconti et Rossi, n’ayant pas pu trouver un accord avec le FLN, Pontecorvo accepte le projet. Mais il avait une idée complètement différente de celle du scénario proposé par le FLN qui souhaitait un film célébrant la lutte. Pontecorvo voulait une œuvre plus complexe et plus profonde. Il entame l’écriture du scénario avec Franco Solinas et contacte des acteurs et témoins directs de la guerre, comme Yacef Saadi.
Pour le conférencier, Pontecorvo voulait montrer la cruauté de la guerre et son impact sur les deux camps, tout en mettant l’accent sur la lutte héroïque du peuple algérien. «On voit également l’histoire personnelle de Pontecorvo qui connaissait la guerre et la guérilla», poursuit Lechi.
Pontecorvo, «pour affirmer son point de vue, utilise un principe qu’il appelle la dictature de la vérité, un principe esthétique dans le tournage où tout doit être très réel, comme dans un documentaire, à la manière du néoréalisme italien, dont il est très influencé», expliqua le critique. «Une manière de montrer la souffrance du peuple et la laideur de la guerre», assène-t-il.
A cet effet, Pontecorvo avait choisi de travailler avec des comédiens non professionnels, sauf pour un acteur français». Le film de Pontecorvo est mal accueilli par la critique italienne, à en croire Lechi. «Il y a eu même de très méchantes et dures réactions qui disaient que le film ne va intéresser personne», révèle-t-il. Mais le film est un succès commercial et décroche Le «Lion d’or» au festival de Venise en 1966. De nos jours, Il est considéré comme un des 100 films les plus importants de l’histoire du cinéma.
De notre envoyé spécial à Annaba : Hakim Metref